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Voyages dans les estancias


Des rigoles d'irrigation aux murs de briques des bâtiments et maisons, ainsi que des cloisons de peupliers, des pâtures et vergers, ils ont façonné ce paysage à la main, depuis seulement 60 ans, avec les matériaux du lieux, des outils et savoirs faire d'ailleurs.

Depuis notre arrivée sur la Carretera Australe, en longeant lacs et rivières, nous nous arrêtons presque chaque soir dans ces fourrures végétales, plantées de hauts peupliers érigés pour se protéger du vent, dont nous profitons pour le campement. Nous passons la journée à travers la nature, avec le vent, le soleil, les nuages. Depuis les plateaux, nous apprécions regarder ces paysages conçus dans les vallées irriguées, nous aimons encore plus y descendre pour les observer dans leur moindre recoins.

C'est à Puerto Ibanez, en descendant du ferry traversant le lac General Carrera, au depart de Chile Chico, que nous sommes accueillis a Fundo Pyramide, par la propriétaire de cette estancia, allemande d'origine, chilienne dans l'âme, pour y passer du temps et mettre la main à patte.

C'est la saison des cerises, des groseilles, nous nous proposons d'aider à leur récolte.

Arrivé dans les années 1950, le couple d'Allemand a investi cette plaine sauvage, où s'eparpillait la rivière Ibanez descendant des glaciers, la domesticant en terre d'élevage. Ils ont créé de toutes pièces à la main, ce paysage agricole, sous perfusion de la rivière. Pour irriguer, ils ont creusé des kilomètre de rigoles, pour pouvoir faucher, ils ont aplani des hectares de plaines caillouteuses, pour lutter contre le vent omniprésent du nord, ils ont bouturé des milliers de peupliers pour former des cloisons. Pour être autonomes, ils ont planté et cultivent ces chambres de verdures, vergers et potagers, où nous campons deux nuits.

Le système d'irrigation est impressionnant, aucune pompe ni machine, tout est réglé par niveaux, pentes et dimensions de rigoles. Le réseau ressemble étrangement, toute proportion gardée, au système d'irrigation des vallons du Limousin, datant du 19e. Un point central, puis dispersion de l'eau. Le paysage est strictement construit, structuré, contrastant avec le chaos des montagnes surplombant. Nous cherchons un point culminant pour comprendre le dessin de l'espace, qui se lit et se comprend rapidement.

350 vaches à viandes, voici ce que cette terre permet de nourrir. L'estancia s'étend également sur des plateaux plus hauts où le bétail est emmené pendant l'été. En passant de la pâture grandement ouverte sur le lointain, au verger cloisonné, on croirait qu'une mise en scène ait été soigneusement réfléchie. En discutant avec celle qui jardine ce foisonnement végétal, il n'en n'est rien. Tout est justifié, par pensée agronomique. Et ça marche. Des cerisiers croulant sour le poid des cerises, des pommiers couverts de jeunes fruits ne demnandant qu'à se gorger d'eau et de soleil, des groseillers couverts de grappes, que nous détachons délicatement à la main. Ce n'est pas de travail qui manque mais de travailleurs. Le métier d'agriculteur n'attire plus, il est très compliqué de trouver de la main d'oeuvre pour s'occuper de toutes ces plantes.

Invité à partager le déjeuner, nous parlons de la ferme, de ses débuts, des premières rigoles, des bouturages, de la decouverte en 1945 de cette terre où il fallait tout imaginer, projeter et mettre en oeuvre. Nous tournons avec grand intérêt les pages de l'album photo retraçant l'histoire de ce paysage, commenté par les anecdotes du développement economique et des affaires de cette entreprise agricole.

Le lendemain matin, nous reprenons la route après avoir discuté de notre itinéraire. On se laisse offrir quelques oeufs frais. Nous traversons la plaine agricole, prenons de la hauteur dans les montagnes et disons au revoir, peut être à bientot à ce paysage toujours en projet.


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